Que deviennent nos ordures après la collecte ?
Question intéressante à plus d'un titre. D'abord parce que ces ordures sont potentiellement porteuses de richesse. Ensuite parce que mal traitées, elles peuvent devenir très dangereuses pour l'environnement et pour les hommes. Il y a quelques années, au moment où des tas d'immondices jonchaient les artères de nos villes, la question a alimenté les colonnes de la presse à travers divers projets de transformation de ces déchets. On s'est laissé dire que là gisaient d'énormes richesses qu'il ne restait plus qu'à exploiter.
En quoi consiste le traitement des déchets? Quels modes de traitement pouvons-nous rationnellement utiliser? Avec quels résultats?
Voilà quelques unes des questions qui peuvent nous permettre de séjourner dans la problématique du devenir de nos déchets.
1. L'incinération
Elle est une technique qui consiste à incinérer ou à brûler à haute température les déchets. Pour être appliquée, certaines conditions doivent être remplies. En priorité, le pouvoir calorifique des déchets à incinérer doit être suffisamment élevé. En d'autres termes, ces ordures doivent pouvoir brûler facilement. C'est une condition nécessaire mais pas indispensable en ceci qu'il est toujours techniquement possible d'incinérer des déchets ayant un pouvoir calorifique très faible, c'est-à-dire des déchets très humides. Or, c'est justement le cas de nos déchets qui contiennent environ 90% de matières organiques et qui sont donc très humides. Elles brûlent donc très mal. Pour se faire une idée, pensez à brûler des légumes pourries ou des épluchures de tubercules. Pour pouvoir brûler de tels déchets, il faut soit les sécher, soit apporter une quantité d'énergie de quelque nature que ce soit pour faciliter la combustion. Cette combustion dégage des fumés toxiques qu'il faut traiter avant le rejet dans l'atmosphère. Le coût de cette opération devient naturellement hors de prix: installation des incinérateurs, amendement de combustible, traitement des fumées toxiques dégagées, etc. C'est à ce niveau essentiellement que réside la difficulté de ce mode de traitement.
Dans les deux cas en effet, cette solution n'est pas économiquement viable. Alors d'où vient-il que ce mode de traitement soit pratiqué abondamment en occident, diriez-vous? Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. D'abord les déchets occidentaux contrairement aux nôtres sont très riches en matières cellulosiques. Autrement dit, elles brûlent très bien. De plus, le procédé d'incinération permet de recueillir de la chaleur qui peut servir à réchauffer les ménages pendant les saisons hivernales, et ainsi d'amortir le coût de traitement. Ce qui n'est pas pensable en zone tropicale. Certains ont proposé de produire du courant électrique à partir de ces incinérateurs. Mais une fois de plus, la question se pose. Dans un pays qui compte d'énormes potentialités en termes de barrages hydroélectrique, le coût le l'énergie électrique produite par l'incinération des ordures peut-il être compétitif.... Mais par ailleurs, à cause de la forte pollution qu'elle génère, l'incinération est en net recul dans les pays occidentaux. Tenez par exemple ! L’Usine d’'incinération de Belfort a été fermée il y a quelques années à cause des quantités intolérables de dioxine qu'elle rejetait dans la nature.
En vogue dans les années 60-70, l'incinération est aujourd'hui entrain de céder la place au recyclage. Il n'est plus utilisé que pour des déchets hospitaliers extrêmement dangereux. D'où vient-il alors qu'on veuille importer ici des techniques autrement dispendieuses et partout ailleurs en net recul? La question mérite effectivement d'être posée à un moment où les pays africains deviennent de gigantesques «poubelles» où sont déversés des produits hors normes en occident.
2. Le recyclage
Disons-le d'entrée de jeu, c'est certainement le mode de traitement de l'avenir. C'est un processus par lequel la gestion des déchets a pour but prioritaire leur valorisation. L'objectif étant de tirer profit du déchet sous forme d'énergie et/ou de matière qui est alors considérée comme matière première secondaire dans le sens où on peut exploiter sa valeur économique non nulle. Dans ce sens, le déchet est considéré comme porteur de richesse.
Tout comme l'incinération, le recyclage exige que certaines conditions soient remplies notamment la collecte sélective, le tissu économique les matières premières secondaires. Le recyclage augmente les coûts de gestion (collecte, tri et transport) des déchets qui doit être compensé par la revente du produit fini de qualité. De plus, il implique la participation de nombreux acteurs devant manifester une même volonté: les autorités politiques et administratives, les producteurs de déchets, les sociétés en charge du recyclage et les consommateurs potentiels des produits recyclés. De façon concrète, les ménages doivent être capables de disposer de plusieurs types de poubelles pour trier les déchets à la source si Ton veut avoir un produit recyclé de bonne qualité.
Dans notre pays, c'est une révolution de mentalités qu'il faudrait opérer pour que chaque habitant de nos grandes métropoles dispose d'au moins trois poubelles quand on sait qu'en ce moment, rares sont les ménages qui en disposent d'une seule. Or il faudrait pourtant en arriver là. Le deuxième problème est celui des quantités de matières premières. Nos déchets comme nous l'avons souligné contiennent environ 90% de matières organiques. Donc le produit qui peut être fait en quantité à partir de ces déchets est le compost, le pourcentage des autres types de déchets de nature ménagère collectées ne pouvant justifier l'installation d'unités de recyclage. Une revalorisation artisanale est néanmoins faite des bouteilles, du plastique, du fer, du cuivre...
3. Le compostage
C'est une technique de recyclage qui consiste en une transformation contrôlée (fermentation en présence d'oxygène) de la matière organique qui produit un amendement organique utilisable dans les exploitations agricoles. Tl mérite un traitement particulier dans notre propos parce qu'il pourrait effectivement être très intéressant pour les agriculteurs et qu'il a aussi fait l'objet de beaucoup de polémiques.
L'utilisation de cette technique exige aussi des conditions préalables. Pour avoir un compost de qualité, il faudrait au préalable qu'on ait trié les déchets. Il était admis que ce tri pouvait se faire dès les ménages ou de façon mécanique sur le site de compostage. Mais, ce tri mécanique n'est opérationnel que pour épurer les déchets solides comme le fer, le verre, les boites de conserve, etc. Or, on retrouve dans les bacs toutes sortes de déchets, y compris des déchets liquides, voire même des déchets hospitaliers dangereux pouvant souiller les déchets biodégradables. Un compost fait à partir de ces déchets serait donc extrêmement toxique. Par exemple, les métaux lourds contenus dans ces déchets se retrouveront dans le compost et dans les aliments qu'il servira à produire. Un compost de qualité ne peut donc se faire que si les populations parviennent à trier les déchets depuis le ménage. Ce qui n'est pas une sinécure. Mais, ce n’est pas tout, il faut encore pouvoir vendre ce compost. Car. il ne suffit pas de pouvoir le faire techniquement pour qu'il soit faisable et rentable. Dans la seule ville de Yaoundé. on collecte en ce moment environ 700t d'ordures ménagères par jour. Techniquement on peut en tirer de 150 à 200t de compost quotidiennement.
II faut pouvoir écouler ce tonnage pour rentabiliser l'unité de production. Il faut savoir que le compost dans un contexte d'agriculture intensive ne remplace pas les engrais (de type NPK). Il n'est qu'un amendement organique. La question est donc de savoir qui peut consommer 200t de compost par jour dans les environs de Yaoundé. Encore faut-il savoir que le compost produit et transporté sur plus de 50-75km à la ronde induit un coût qui, en se répercutant sur le prix de vente, ne permet plus d'affronter la concurrence des engrais chimiques. Il va de soi que le choix des paysans sera d'autant plus vite fait que le rapport quantité/rendement est à la faveur des engrais. Mais au moment où on l'agriculture biologique est en nette croissante, on peut effectivement penser que la tendance pourrait se renverser et qu'on trouverait là les moyens de sensibiliser les populations à la collecte sélective et les planteurs à la culture biologique. C'est sans doute l'avenir.
4. La mise en décharge contrôlée.
Mais en attendant, la mise en décharge contrôlée continue à être utilisé. C'est une technique qui consiste tout simple ment à faciliter la biodégradabilité des ordures ménagères collectées en les compactant, et en les disposant par couches successives dans les cuvettes emménagées à cet effet. C'est de loin le mode de traitement le moins coûteux. Il est à la racine de tous les autres modes de traitement. Car quelque soit la technique, on se trouve toujours devant des résidus ultimes qu'il faut mettre en décharge. Les conditions sont moins draconiennes: localisation géographique favorable (à au moins 200m des habitations); étanchéité du sol suffisante (pour que les lixiviats ne s'infiltrent pas et contaminent la nappe phréatique) et disponibilité des matériaux de couverture notamment de la terre.
Ce mode de traitement est aussi en net recul dans les pays occidentaux où il se pose de sérieux problèmes d'espace. Mais pour nos pays, compte tenu des moyens financiers, de la nature des déchets, c'est en ce moment le mode de traitement le plus rationnel, à condition de respecter les niveaux de contrôle de la qualité des déchets, de traiter les différentes effluents notamment les lixiviats et les biogaz avant de les rejeter dans la nature.
Pour conclure, le devenir des déchets est un produit qui doit s'appréhender par la mise en place d'une politique globale qui passe notamment par l'association des différents types de traitement en fonction du type de déchets considéré: compost pour les déchets biodégradables, incinération pour les déchets hospitaliers, recyclage pour le plastique et le verre, valorisation pour les pneus usagées, mise en décharge pour les autres types de déchets ainsi que les déchets ultimes.